30 octobre 2024
L'égalité de traitement, la loi la moins respectée.
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Le 28 septembre, après 22 ans d'attente, le tribunal correctionnel de Paris entame le procès d'Adecco, géant suisse de l'intérim, accusé de discrimination raciale. L'affaire concerne un fichier interne "PR4" répertoriant 500 intérimaires noirs, ainsi que la mention "BBR" pour "bleu blanc rouge" - qualifiant les "Startupeurs de la nation" blancs.
Ce classement aurait permis à Adecco de satisfaire des demandes discriminatoires de clients refusant des intérimaires noirs. Bien que des noms comme Eurodisney, le ministère des Affaires étrangères et la Compagnie des wagons-lits soient cités, les faits n'ont pas été établis.
Contacté, le groupe Adecco assure que la lutte contre les discriminations demeure une priorité. Pourtant, les plaignants se sont longtemps demandé si ce procès aurait lieu. Assa Koulibaly, 41 ans, partie civile, s'est inscrite chez Adecco en 1999, espérant devenir hôtesse d'accueil. Elle a peu été sollicitée et a fini par abandonner. Découvrir le fichier "PR4" l'a profondément marquée, altérant sa confiance en elle et l'influençant dans ses recherches d'emploi ultérieures.
Samuel Thomas, à l'origine de la procédure avec SOS Racisme, se réjouit du procès mais déplore le traitement souvent insuffisant de telles affaires. Le monde professionnel, regrette-t-il, ne s'améliore pas en termes de racisme. Il souligne le manque d'investissement judiciaire et la fréquence des non-lieux.
La Belgique a également condamné Adecco en 2015 pour discrimination. Les témoignages actuels révèlent des discriminations persistantes dans le recrutement, notamment pour des postes de responsabilité en cuisine. Les femmes de chambre d'Accor ont exposé des traitements racistes. La classe ouvrière subit également des discriminations, avec une ethnicisation des rôles.
Les inspecteurs du travail manquent de directives claires pour agir et sont débordés. Les subventions aux associations luttant contre les discriminations ont diminué. Les syndicats s'expriment peu sur ces problématiques et les engagements en faveur des CV anonymes ont disparu.
Pour ce procès, les plaignants réclament une évaluation du préjudice matériel pour chaque victime. Ils demandent une analyse statistique des missions et rémunérations pour les intérimaires noirs et blancs. Ils souhaitent aussi prendre en compte le préjudice moral, lié à l'atteinte à la dignité des personnes.
Enfin, ils espèrent que ce procès serve d'avertissement aux syndicats, afin d'encourager les victimes de discrimination raciale à porter plainte. Ainsi, quelle que soit la puissance économique des entreprises, la justice pourrait être rendue.
Source : Sarah Bos (@S_H_Bos) pour les articles originaux.